• …ALORS, ELLE M’A DIT : « MON MARI ME MALTRAITE »

    Il y a plusieurs mois j’ai été hospitalisée et ma voisine de chambre, une gentille dame de 45 ans, était terriblement fermée, triste. Quoiqu’il en soit on a vraiment sympathisé mais j’avais beaucoup de mal à la comprendre. Son mari et elle avaient une exploitation, ils avaient beaucoup de travail, des employés….

     

     

    Elle disait souvent « qu’est ce que je suis contente d’être ici, que ça fait du bien de bien dormir, dans un bon lit, de se reposer ». Je pensais qu’elle devait avoir une vie professionnelle harassante.

     

    Pendant 10 jours alors que j’engloutissais avec elle les 250 kgs de chocolat que j’avais reçus de mes visiteurs, elle, au contraire n’avait reçu aucune visite, aucun appel.

    Comme elle n’avait pas pris l’option téléphone, (elle ne pouvait pas appeler mais pouvait juste recevoir des appels) je lui ai proposé à maintes reprises mon portable, qu’elle a toujours refusé, prétextant « ils sont dehors, il est trop tôt, il est trop tard, pas aujourd’hui, on verra demain… »

    Pas de TV, pas de livres, pas de magazines, RIEN !

     

    Vers la fin de son séjour, son mari l’a appelée, pour lui dire qu’il ne pouvait pas venir, « trop de travail ».

    Alors elle a craqué, et m’a expliqué sa situation. Son mari buvait « pas toujours », mais quand il buvait il se mettait à crier pour rien, la bousculait, la tirait par les cheveux, et quand elle était par terre il lui donnait des coups de pied.

    3 ou 4 fois, il l’avait jetée dehors et avait fermé la porte à clef derrière elle.

    Elle s’était retrouvée ainsi dehors à devoir aller dormir dans une vieille caravane qu’ils avaient au fond de leur cour et qui servait de remise.

    La 1ère fois, c’était l’hiver elle était allée se réfugier dans un Mc Do, (plus de 5 kms à pied) où elle s’était assise dans un coin pour se réchauffer, ne mangeant rien (pas d’argent). Elle se sentait incapable d’appeler quiconque tellement elle avait honte de s’être fait maltraiter par lui. Elle ne comprenait pas ce qu’elle avait fait pour mériter ça !!!! Le lendemain quand elle est rentrée, il ne se souvenait plus et niait l’avoir enfermée dehors.

     

     « C’est à cause de l’alcool, parce que quand il ne boit pas il est gentil ! » me disait-elle.

    GENTIL ? Un type qui frappe sa femme est gentil ?

     

    Son mari, par ailleurs faisait boire à son  plus jeune fils ce qu’il appelait une « gouttelette de whisky » alors que c’était un petit verre à liqueur. Elle s’était résignée à se taire face aux jurons qu’il lui lançait devant ses enfants.

     

    Au fil des années et des bouteilles de whisky elle a perdu sa joie de vivre, elle ne parlait plus aux gens, elle se sentait sale, humiliée, dévalorisée.

    Elle avait souvent mal dans l’épaule parce qu’elle s’était pris de sales coups de pied.

    Ses fils 22, 18 et 14 ans n’avaient jamais été témoins de cette brutalité, mais devaient entendre obligatoirement  les scènes de violence, et étaient dans tous les cas témoins des jurons….

     

    Famille honorable hein ! Situation confortable, lui était connu et reconnu dans la région.

    Alors un jour, elle en a parlé à son médecin. Vous savez ce qui s’est passé ? La gendarmerie a débarqué un beau matin, 2 gendarmes et une gendarmette. Ils étaient là, le mari et la femme, dans la salle à manger, et l’un des gendarmes a dit « on nous a signalé des violences dans cette maison. Madame ? » Il attendait qu’elle avoue sans doute !!!!

    Elle m’a expliqué qu’elle ne pouvait pas parler. Elle savait que face à son mari elle ne gagnerait jamais. Le fait d’avoir en face d’elle ces gendarmes, son mari qui la regardaient, elle s’est sentie rabaissée. On attendait d’elle qu’elle avoue, alors qu’elle n’avait rien fait de mal, elle. Elle s’est sentie très mal.

    Son mari quant à lui a regardé sa femme et a dit « qu’est ce que t’es allée raconter ? Et à qui ? ». Il n’était pas en colère, il souriait.

    La gendarmette a demandé à Brigitte de venir à sa voiture, lui a redemandé entre 4 yeux si elle avait subi des violences, physiques, morales, sexuelles…. Elle a maintenu que « non, elle n’était pas maltraitée ! »

    Quand ils sont partis il était furieux, « qu’est ce qu’on allait penser d’eux….. » Voilà, c’était toujours sa faute à elle.

    Quoiqu’il en soit, convocation à la gendarmerie pour elle et lui et… affaire classée sans suite.

    Elle savait que c’était son médecin qui avait « dénoncé ». Elle ne l’a plus jamais consulté.

     

     

    Je suis restée pétrifiée. C’était la 1ère fois que j’étais confrontée à une pareille situation. Pétrifiée, et en même temps en colère contre ce lâche, ce criminel, ce respectable chef de petite entreprise, chef de famille, chef de rien du tout oui ! En colère aussi contre elle qui acceptait de subir, qui ne partait pas, qui acceptait d’être dominée, brutalisée par un monstre,

    Alors elle m’a expliqué. Aller où ? Faire quoi ?  Elle travaillait avec son mari et n’était pas salariée de l’exploitation, elle était seulement l’épouse. Elle n’avait pas d’argent, pas de chéquier, pas de carte de crédit !!!! C’est son mari qui faisait les courses au supermarché. Quand il le jugeait nécessaire, il lui donnait l’argent nécessaire pour aller chez le coiffeur ou s’acheter des vêtements.

    Elle était persuadée que si elle partait, ses enfants resteraient avec leur père. Alors partir ? non !. Elle y avait pensé des milliers de fois mais ce n’était pas possible.

     

    Je me suis renseignée et lui ai trouvé les noms et téléphones des associations qu’il y avait près de chez elle. Elle a refusé que je prenne un rdv avec l’assistante sociale de l’hôpital où nous étions.

    Elle m’a fait jurer de ne rien dire quand son mari viendrait la chercher.

     

    J’appréhendais le moment où j’allais croiser cette brute épaisse, parlant haut et fort, fier de sa virilité. J’ai été étonnée, parce qu’en fait, il s’agissait d’un homme très agréable, sympathique, respectable, normal quoi !

    « C’est à cause de l’alcool, parce que quand il ne boit pas il est gentil ! » me disait-elle.

     

    J’ai été terriblement secouée par la triste vie de cette femme, mais aux dernières nouvelles son mari depuis plus d’un an a cessé de boire. Elle semble toujours aussi triste, au téléphone mais promet qu’il ne la maltraite plus. Mais si elle me disait le contraire, qu’est-ce qu’il y aurait lieu de faire ? Appeler la police, une association, aller à plusieurs casser la gueule à ce type ? Vous feriez quoi à ma place ?


  • Commentaires

    1
    Mardi 4 Novembre 2014 à 12:19

    Bonjour,

    Ton témoignage est poignant. Que faire quand une personne refuse d'être aidée? A mon humble avis pas grand chose. On ne peut pas sauver une personne malgré elle. Tout ce qu'on peut faire c'est la soutenir quand cette dernière a enfin pris la décision. Avant cela, eh bien, pas grand chose de plus, malheureusement. Ces hommes ont un tel pouvoir sur leur femme. Ils les persuadent qu'elles n peuvent rien sans eux, et arrivent à les faire culpabiliser.

    c'est triste.

    C'est déjà bien d'en parler comme tu le fais dirais-je...

     

    Belle journée à toi.

     

    Catiminy/ Jolana

    2
    Mardi 4 Novembre 2014 à 15:14

    Merci pour votre message. Tout a fait entre nus (et ici c'est qd même difficile lol) je me suis renseignée auprès de toutes les associations, services divers et varies et effectivement on m'a bien dit que tant que la victime refuse d'être aidée  n'y a RIEN A FAIRE. Situation très dérangeante. Au plaisir

    3
    chantal
    Mercredi 5 Novembre 2014 à 12:53

    raleuse ce témoignage est poignant. merci de nous faire reflechir


    je lirais tes articles car celui sur les pates était super aussi


    continues stp

    4
    Mercredi 5 Novembre 2014 à 12:55

    merci Chantal pour ces encouragements. au plaisir de te recroiser

    merci

    5
    Jeudi 6 Novembre 2014 à 18:56

    Je connais ce contexte puisque moi même je le vis et pour une personne qui ne connait pas ce que c'est de prendre des coups par la faute des autres c'est très dur à comprendre.

    C'est une peur de chaque jour,tu ne peux pas dire ce que tu penses sinon tôt ou tard cela te retombe dessus en 10 fois pire,tu ne peux pas sortir comme tu le veux ,tu n'as pas d'amis,pas de travail donc pas d'argent pour partir,plus de famille parce que ton bonhomme à fait tout ce qu'il fallait pour couper les ponts avec toi, Et par la grâce de dieu je n'ai pas d'enfants qui pourrait subir eux aussi de cette triste et minable vie.

    Et pourtant je n'ai que 36 ans et je me dis que ma vie est foutue qu'il n'y a rien de beau dans ce monde.

    Alors quand je lis ce temoignage de cette dame j'ai l'impression de me retrouver à travers elle.

    Merci

      

    6
    Vendredi 7 Novembre 2014 à 08:06

    bonjour Stonehenge,

    ton témoignage est poignant mais permets moi de te contredire : ta vie n'est pas foutue et je t'assure qu'il y a des associations super organisées qui prennent très bien en charge les femmes qui, comme toi subissent un compagnon. Cela dépend de toi UNIQUEMENT. Personnellement, je considère qu'aucune femme ne mérite que son mari ne la violente. Pourquoi il le fait ? Au nom de quoi ? au nom de sa force ? au nom de sa lâcheté ? Aujourd'hui, ce type de situation est pris très au sérieux et encore une fois, les associations gèrent au cas par cas les femmes qui décident de réagir.

    même si cela est hyper difficile, je t'invite à téléphoner à l'une d'elles, tu peux même le faire de manière anonyme (elles sont habituées) et écouter leurs recommandations. cela ne t'engage à rien, juste faire un pas dans le refus de subir une violence inacceptable.

    dans tous les cas, bon courage

     

    7
    Vendredi 7 Novembre 2014 à 08:48

    Merci beaucoup raleusedu62 pour ton encouragement.

    8
    Vendredi 7 Novembre 2014 à 09:53

    Je me joins à Raleusedu62 si je peux me permettre... Je n'ai subi de violence que peu de temps par mon petit copain il y a des années. Ca a commencé de façon subtile, il m'a isolée de mes amis, de ma famille, il a réussi à me faire perdre confiance en moi. Au bout d'un an, j'étais persuadée que je ne valais rien. J'avais pris beaucoup de poids. Sauf que, comme on n'avait pas de sous, j'ai dû garder un travail à mi-temps. Et c'est un de mes boss (docteurs) qui m'a dit un jour que j'étais précieuse. 

    Je me suis rebellée un jour lors d'une vraie vacherie comme mon copain savait me les sortir pour m'humilier, et il m'a frappée. C'était une armoire à glace et moi je suis petit gabarit. Je n'ai plus senti ma jambe pendant au moins 10 min. Mais il aura fallu qu'il jette son chat contre le mur et que j'aie suffisamment de force en moi pour protéger mon chat à moi, pour que je monte un plan pour me sauver en douce. j'ai cherché un appart, j'ai renoué doucement avec mon frère à l'époque en lui expliquant comme j'avais peur (il a eu du mal à comprendre pourquoi je n'avais pas réagi avant...mais c'est tellement paralysant la peur, et puis j'arrivais même des fois à lui être reconnaissant de me supporter!)... Bref, j'ai réussi à partir du jour au lendemain, mais je me suis rendu compte que j'avais le droit d'être heureuse comme n'importe qui. Et j'ai compris que c'était un monstre.

    Je me barricadais dans mon nouveau chez moi au début... Et puis le miracle. J'ai rencontré quelqu'un avec qui je suis mariée aujourd'hui. 

    Essaie de trouver la force et l'amour pour toi pour appeler, rien que ça d'abord, appeler une association. essaie aussi peut-être d'appeler quelqu'un que tu aimais beaucoup avec qui aujourd'hui à cause de lui tu n'as plus de contact et parle lui. renoue avec l'extérieur pour que tu te rendes compte que ce mari qui te maltraite N'EST PAS UNE FATALITE!

    Tu es une personne précieuse et ne laisse personne te faire croire le contraire! 

    Essaie de retrouver une vraie vie :-)

    Bises et courage!

     

    Catiminy/ Jolana

    9
    Vendredi 7 Novembre 2014 à 13:16

    Merci pour ton temoignage de soutien, il me faut trouver le bon moment pour y arriver.(et bien sur le courage ,c'est toujours plus facile à dire qu'à faire.

    Bises

    10
    Vendredi 7 Novembre 2014 à 13:35

    Le premier pas c'est le plus dur toujours! ;-)

    11
    Vendredi 7 Novembre 2014 à 17:52

    Catiminy, bonsoir et merci pour ton témoignage particulièrement fort sur ton douloureux vécu , mais surtout pour "l'exemple" que tu donnes à celles qui sont sous l'emprise d'un compagnon violent.

    et pour Stonehenge, vu de ma fenêtre je considère qu'il faut beaucoup plus de courage pour subir la violence d'un homme que d'essayer de s'en échapper.

    mais tu as raison , c'est plus facile à dire qu'à faire, mais tant de femmes se sont échappées de leur tortionnaire.

    dans tous les cas, je suis contente de vous "rencontrer" et aurait préféré que ce soit à propos d'un autre sujet.

    12
    Lundi 10 Novembre 2014 à 15:51

    Faire comme eux, agir sournoisement, préparer et sécuriser son propre plan de retrait avec beaucoup de discrétion et de sagesse. Les institutionnels sont bien gentils mais que peuvent-ils faire derrière une porte fermée et des volets baissés, ils ne se prennent pas les mauvais coups, c'est bien encore vous qui êtes au premier plan.

    Les associations sont là pour vous aider à préparer tout cela !

    Il ne faut pas vous laisser piéger par des paroles blessantes. Quand il vous agresse, allumez votre petit self-contrôle, celui qui va vous rendre forte car au fond de vous-même, vous savez que vous avez préparé un plan B. Je peux vous dire que, parfois le fait de ne plus se sentir victime renvoie vers l'autre une image différente et lui fait pressentir un danger imperceptible.

    Et puis, partir, c'est recommencer une nouvelle vie, faire de nouvelles rencontres, et surtout vivre et dormir en paix !

    Courage

    13
    Lundi 10 Novembre 2014 à 16:46

    Merci Delfa d'apporter vos encouragements à Stonehenge, et à d'autres sans doute.

    14
    Lundi 10 Novembre 2014 à 19:32

     Bonsoir

    je ne connais pas le numéro de téléphone mais je sais qu'il existe un numéro  (gratuit) que l'on peut appeler et qui donne la marche à suivre pour se rendre dans un foyer tout en ne faisant pas de betises vis à vis de la loi pour la garde des enfants par exemple.

    En tapant sur Google ca doit se trouver facilement

    Bon courage

    15
    Vendredi 28 Août 2015 à 09:48

    Bonjour, il est courant que les femmes victimes trouvent des excuses à leur mari violent, c'est même un phénomène psychologique "normal", pour situation tout à fait anormale. Une femme qui se sent isolée, humiliée, ou qui subit des coups ou des rapports sexuels non consentis, doit à tout prix en parler à quelqu'un.

    Il existe un compte Facebook qui donne pas mal d'informations et de réflexions sur le sujet de la violence conjugale, qui n'est pas toujours celle qu'on croit...

    https://www.facebook.com/btassociesavocats

    16
    raleusedu62
    Samedi 29 Août 2015 à 20:50

    merci beaucoup pour cette info que je fais suivre par ailleurs.


     

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